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Le métier de l'assureur-crédit, essentiel pour les négoces, n'est pas toujours compris. Eric Lenoir, président du comité exécutif d'Euler Hermes France explique son rôle et livre son analyse de la situation économique générale, et sur celle du BTP.
Comment définissez-vous l'assurance-crédit ?
Éric Lenoir - L'assurance-crédit est une prestation par laquelle une entreprise va se prémunir de l'incapacité de payer de ses clients, donc sécuriser et développer ses échanges commerciaux. Nous intervenons exclusivement dans les échanges B to B, pour ce qu'on appelle le crédit interentreprises, qui représente trois fois le montant des crédits bancaires en France. Cette banque invisible, probablement la première dans notre pays, ne porte que sur les engagements des acteurs, l'un de payer à terme, l'autre d'accorder ce délai. Or, décaler dans le temps le paiement d'une facture instaure nécessairement un risque crédit.Un assuré sera donc couvert sur le non-paiement à échéance, soit pour insolvabilité avérée si l'entreprise entre dans une procédure de dépôt de bilan avant le paiement, soit pour insolvabilité présumée, dans le cas où sans être déclarée insolvable, l'entreprise ne règle pas sa facture. Cette prestation a vocation à préserver la trésorerie de nos clients, mais aussi à faciliter le développement des échanges commerciaux. Il faut comprendre la notation des entreprises dans ce cadre.
Comment fonctionne-t-elle ?
La notation est un aspect important de la prestation d'un assureur-crédit, pour prévenir le risque d'impayé. À chaque instant, nous pouvons conseiller à nos clients de commercer davantage ou de redoubler de vigilance sur leurs conditions de paiement. La prévention s'opère au travers d'une analyse poussée de la situation financière des entreprises en France. Nous analysons l'entreprise, sa stratégie, l'environnement de son secteur, afin de pouvoir déterminer si cette entreprise est digne de confiance ou non en termes de capacité de paiement/solvabilité. 200 collaborateurs d'Euler Hermès classifient ces analyses, récoltent les informations et rencontrent les entreprises. La notation ne résume pas notre seule activité. Nos équipes d'arbitrage répondent à la demande de chaque client - environ 6 000 par jour -, pour savoir si nous garantissons et à quelle hauteur leurs échanges avec telle ou telle entreprise. L'arbitre décidera d'un accompagnement total ou partiel, voire d'un refus de couverture. Une entreprise ayant traversé de multiples méandres aura moins de chances d'être couverte. Mais nous savons que, dans le cycle de vie des sociétés, il y a des moments fastes et d'autres moins. Nous ne marquons pas au fer rouge pour l'éternité une entreprise qui a traversé des difficultés.
Vous citez le rôle de l'assureur-crédit comme acteur du développement des échanges commerciaux. Qu'entendez-vous par là ?
Nous suivons plus de 80 millions d'entreprises dans le monde, avec une vision de leur santé économique, commerciale, financière. Lorsque nos clients veulent se développer, ils recherchent des partenaires fiables. Nous sommes cet observatoire qui, de façon prospective, peut identifier les entreprises avec lesquelles il est envisageable de commercer, et celles avec lesquelles cela s'avérerait contre-productif. Nous savons qu'une entreprise cherchant à se diversifier dans un nouveau secteur ou
un nouveau pays arrêtera ce développement au premier impayé. Nos prestations leur apportent donc de la fiabilité, de la sérénité et de la pérennité. Quel a été votre rôle dans l'économie de crise qui s'est ouverte depuis le début du premier confinement ? Dès les premiers jours, nous avons partagé notre analyse avec Bercy. Face à une crise économique majeure, avec des répercussions sur le crédit interentreprises, nous avons estimé que des dispositifs issus de la crise de 2009 étaient sans doute de nature à éviter une crise majeure. Les dispositifs Cap et Cap+, qui aident les entreprises à maintenir leur viabilité dans un environnement économique très incertain, ont ainsi été réactivés. S'y est ajouté le dispositif Cap Relais, innovation lancée en juin. Il a stabilisé les engagements des assureurs-crédit, et a donc permis aux entreprises de pouvoir échanger durablement (lire l'encadré pour le détail des dispositifs).
Ces mécanismes ont-ils vocation à être prolongés l'année prochaine ?
Cap Relais agit en tant que dispositif de transition, pour que les assureurs-crédit puissent avoir une vision sereine et pérenne des engagements sur 2020. Sa construction est éphémère, par définition. Pour accompagner la reprise économique, les entreprises auront plutôt vocation à utiliser Cap et Cap+ qui seront très certainement reconduits l'année prochaine, même si aucune annonce n'a encore faite à ce sujet. Mais il faut souligner que les mécanismes mis en place par l'état vont largement au-delà de l'assurance-crédit. Les injections massives de liquidités aident aujourd'hui à la survie du tissu économique français, et cet engagement n'est pas amené à disparaître dans les prochains mois. Le spectre du mur des défaillances en est de fait décalé dans le temps. Reste à savoir si ces soins sont curatifs ou palliatifs - donc, si, au retrait de la perfusion, le malade sera guéri ou succombera. La perfusion ne sera pas retirée au premier semestre 2021, le soutien sera certainement maintenu. La réalité du mur des faillites interviendra sans doute plus tard, avec une exposition bien plus large de l'économique que les seuls secteurs de l'aéronautique ou du tourisme.
Le BTP, qui poursuit son activité, est-il relativement protégé de ce risque de faillite ?
Le BTP est plutôt plus exposé que la moyenne. En 2019, il représentait 10 % du PIB français, mais 20 % des faillites. La fragilisation de ce secteur naît de la structure de son tissu économique. Une TPE ou une PME est beaucoup plus perméable au risque de défaillance, dont la première cause est la défaillance de son client - le fameux effet domino. Or, les petites entreprises n'ont pas la trésorerie pour faire face à un impayé ni la capacité d'encaisser deux ou trois défaillances de clients.
Quel conseil adressez-vous aux entreprises en cette période ?
Il faut que tout le tissu économique s'inscrive dans ce souci de dialogue. Quelles que soient les difficultés rencontrées, la transparence et la communication demeurent des règles d'or, et ce sont des éléments qui entrent dans l'analyse. Il n'y a rien de pire pour une entreprise qui traverse des difficultés que de se taire et de pratiquer la politique de l'autruche ! C'est la raison d'être de notre site TradeScore, sur lequel les entreprises peuvent consulter leur notation, mais également nous transmettre des informations et que nous prendrons en compte pour réévaluer notre analyse de leur santé financière.
Propos recueillis par Pierre Pichère | le 12/11/2020 | Négoce